Début juin 2022, Anne-Fleur Goll a pris la parole lors de sa remise de diplôme à HEC.
Elle a expliqué ressentir un « profond malaise » en prenant conscience que les métiers auxquels menaient ses études étaient « la principale cause » de l’effondrement environnemental et du dérèglement climatique.
Découvrez son parcours, son constat, et la manière dont elle a décidé de s’engager professionnellement et personnellement pour la transition.

« L’écologie est au centre de mes préoccupations depuis mon année de césure. C’est là que tu entres pour la première fois dans le monde pro, et tu réalises le temps que tu y passes, à savoir toutes tes journées pendant les jours ouvrés. Ça fait beaucoup d’heures dans une vie. C’est du temps à bien investir ! Ma césure était en 2018 : il y a eu beaucoup d’évenements : Jancovici, la démission de Nicolas Hulot, les gilets jaunes…
C’est là que l’écologie a cessé d’être un sujet de “bobo / zadiste”. On a commencé à se poser la question de l’empreinte carbone personnelle… J’ai alors réalisé que j’avais envie de faire ma carrière là-dedans. J’ai fait mon Master en alternance dans une start-up dans les énergies renouvelables. J’ai adoré être autonome, mais à ce moment-là de ma carrière, j’avais besoin d’un cadre, de gens inspirants professionnellement.
Il y a 1 an et demi, j’ai donc décidé de rejoindre Deloitte Sustainability, en conseil en transition environnementale. On accompagne des entreprises dans la prise en compte des sujets climatiques et environnementaux dans leurs activités. On a de nombreux experts en transition agro écologique, économie circulaire, finance durable, climat et énergie… »
Beaucoup d’entreprises veulent prendre en compte les sujets mais n’ont pas les compétences. C’est en ça que nous les aidons. Ça n’est pas tous les jours facile, mais on a une bonne marge de manœuvre. On vérifie aussi qu’il n’y a pas de greenwashing, que les entreprises font les choses correctement, en profondeur. On les réoriente si on détecte de fausses bonnes idées, on les pousse à aller plus loin. On n’est pas un simple tampon-label qui dit : “Oui oui, c’est très bien !
On rentre aussi dans l’opérationnel. Par exemple, on forme des équipes locales partout en France sur comment revoir leurs process afin de vérifier systématiquement que leurs prospects prennent en compte la transition écologique… Pour être sereine, j’ai besoin d’être avec des gens qui partagent mes convictions. On travaille très bien ensemble, je me sens bien aujourd’hui. C’est un environnement très riche.
Le critère de l’équilibre de vie était très important pour moi, et il est complètement respecté. En parallèle, je suis assez engagée sur ma vie perso : je ne prends plus l’avion, j’ai réduit la viande, j’achète plus rien de neuf… Bien sûr, je suis touchée par pas mal d’éco anxiété. Récemment, je suis sortie en pleurant d’un supermarché parce que je savais pas quoi acheter sans avoir un impact négatif. Avoir ce genre de réalisations est désespérant.
Mais être dans l’action au quotidien, savoir que personnellement je fais des choix forts, et que professionnellement je mets toute mon énergie dans le secteur, ça me console. Je pense que je n’aurai rien à regretter. Dans ma promo d’HEC, on était nombreux à être engagés. Inspirée par les ingés d’Agro Paris Tech, j’ai donc contacté l’administration d’HEC pour savoir si on pouvait faire un discours, que l’on a construit à plusieurs.
On voulait faire comprendre aux jeunes diplômés d’HEC qu’ils avaient les clés du camion et que c’était leur responsabilité de choisir : faire foncer le camion dans le mur… ou tourner le volant. Cet auditoire va être très riche, et donc avoir une empreinte carbone très importante (vacances au bout du monde, plusieurs maisons…). Mais là où ils auront le plus d’empreinte, ça sera dans leurs vie pro, au sein des multinationales qu’ils co-dirigeront…
Avec la personne avec qui je partage ma vie et avec mes collègues je n’ai pas à me battre : dans mes autres cercles, j’ai de l’énergie, de la patience, j’essaie d’être pédagogue. Face aux climatosceptiques, j’essaie de trouver un équilibre : ne pas rester dans un entre soi, tout en sachant me préserver. Le réchauffement climatique, ça n’est pas pour demain. Quand on parle à +1,5° de 2050, on est déjà dedans. »