
J'ai rejoint Accenture Strategy en 2007, en banque. Fin 2007, c’est la crise financière. Je suis au milieu du cyclone quand Lehman Brothers s’effondre. De nombreuses personnes perdent toutes leurs économies. C’était très intense.
2011 : je me réveille. Mon rêve, c’est de vivre au bout du monde. Je suis transféré à Singapour. Je vis dans un condo avec piscine. Mais je bosse 80 heures par semaine. La nuit. Les week-ends.
Je suis envoyé à Jakarta en mission pendant 3 mois.
Avion toutes les semaines, hôtels premium dont tu ne profites pas parce que tu vis dans ta valise. Tu te dis : “Dans 1 an j’arrête”, mais tu ne pars pas. Tu passes Manager, Senior manager. Il y a cette carotte, qui est là tout le temps. Tu dois toujours en faire plus : ”You’re up or you’re out.” Mais tu te rends bien compte que tu es en train de te brûler.
Mon dernier client, une banque internationale, m’a proposé de devenir Vice President dans l'équipe Innovation Monde. J’ai accepté, mais ce move était mal motivé. Je travaillais trop, je dormais mal… Après 1 an, j’ai explosé. Je suis parti en retraite silencieuse à Bali 10 jours, sans technologie. En méditant, je me suis visualisé enfant me disant : “Change de chemin”. Et j’ai senti qu’un poids s’était libéré de mes épaules...
J’avais emprunté le chemin de la fête, puis celui de la société de consommation. Je ne savais pas quel était mon nouveau chemin… Mais j’ai démissionné, et j’ai annulé mon mariage. J’ai fait 18 pays en 1 an.
Je suis allé voir les gens que j’aimais, j’ai découvert de nouveaux endroits. Puis j’ai eu envie d’aller en Argentine, où il me semblait qu’il y avait pleins de défis intéressants à relever. J’y suis arrivé en 2016, sans parler un mot d’espagnol.
J’ai rejoint une fondation pour aider les sans abris et distribuer de la nourriture. J’ai été confronté à une réalité très dure. Avec une autre organisation, je suis allé construire des maisons d’urgence en bois dans les favelas.
Et je me suis dit: “J’ai trouvé, et je veux continuer dans cette voie.” Je me suis alors inscrit à un Master en Direction d’ONG, et à un autre Master en Environnement et Développement durable.
Puis j’ai rejoint une ONG dédiée à l’insertion de personnes en situation de handicap. Ils livrent des paniers de fruits, ou font des massages en entreprises. Pour être honnête, ce sont mes skills de consultant qui m’ont permis de les aider à se développer ! Après 1 an, j’ai rejoint une startup d’agroécologie dédiée à la commercialisation de sac de légumes cultivés (sans produits chimiques) par des petits producteurs de Buenos Aires.
Fin 2017 je me suis débrouillé pour rencontrer Gunter Pauli (fondateur de l’économie bleue), qui venait faire une conférence devant 700 personnes. Il a adoré mon projet et a décidé de me donner la parole à cette conférence! Suite à ça, j’ai pris contact avec le Ministre de l’environnement Argentin pour faire livrer des sacs de légumes au Ministère...
En 2018, j’ai rencontré mon associé François.
On a lancé 2 startups : Girgolas de Caroya, pour la production de champignons comestibles, et Procens, pour l’élevage de larves afin d’éliminer des déchets organiques, produire de la protéine, et générer du biofertilisant.
Et cet été, alors qu’on arrivait dans le rouge, on a fait notre première levée de fond : 200 000 € auprès de 10 investisseurs argentins. C’est parti pour 2 ans de R&D !
Quand tu es dans la matrice, tu es pluggé, tu te conformes au modèle. Alors oui, les changements sont compliqués, mais si tu ne te jettes pas à l’eau, c’est sur qu’il ne va rien se passer.
On m’a souvent dit: “T’es malade, tu gagnais 20 000 dollars par mois !”. Mais comment le travail est devenu le centre de tout… ? Ce que je fais aujourd’hui, je ne le considère pas comme un travail.
Je reste anxieux... C’est ancré en moi depuis trop d’années. On doit sortir de ce système de reward, et arrêter de se flageller (surtout les plus jeunes) ! Mais je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie. C’est un chemin personnel, et un chemin collectif. Je ne suis pas du tout un hippie. Ce que je fais a un sens profond. Il faut arrêter de penser “société de consommation”. D’autres façons de faire sont satisfaisantes, et viables.