
« Après un Bac S à Montbéliard et une prépa HEC j’intègre Neoma, école de commerce à Rouen en 2014. En école, je m’intéresse naturellement aux cours de finance, de gestion. Je fais un stage à la Direction financière d’une Fondation dans le médico-social, un autre en audit chez Deloitte, et mon stage de fin d’études à la Direction financière de Doctolib.
A la fin de mes études en 2018, je me suis spécialisé en gestion et finance d’entreprise. Comme beaucoup, j’ai envie de rejoindre un Big Four. La forte présence des cabinets et la manière dont ils se vendent dans la vie des campus a clairement influencé ma décision. Je me fixe l’objectif de devenir CFO d’une startup dans les 10 ans. Je me dis que l’étape Big Four est incontournable, et je signe un CDI chez PwC six mois avant de finir mon école.
J’ai quatre objectifs : apprendre en continu, développer mes compétences techniques, prendre en charge rapidement des équipes et être en contact avec des interlocuteurs de haut niveau. Les deux premières années, le job m’intéresse parce que je remplis mes objectifs d’apprentissage et je gagne de l’expérience. Je travaille pour des clients intéressants. Mais je sens que l’équilibre est fragile.
Je suis frustré par le sentiment d’urgence, le poids de la structure hiérarchique et la charge de travail colossale en saison. Avec le Covid, ma situation part en vrille. On arrive à des situations absurdes et paradoxales avec des moyens bien moins importants et des désorganisations qui créent de l’urgence en permanence. J’ai l’impression de devenir une machine qui abat du travail sans chercher à se poser la moindre question.
Octobre 2020, résultat des évaluations : le cabinet me refuse un passage de grade. C’est un choc pour moi alors que je sais avoir énormément donné. Comble de l’absurdité, je rentre sur une grosse mission en ayant les responsabilités du grade que j’aurais “dû” avoir. L’injustice que je ressens est mon déclic. Ma balance objectifs-inconvénients s’écroule et je ne me reconnais plus, je quit en novembre 2020 sans plan B.
En février 2021, je quit, en n’étant que l’ombre de moi-même. J’ai des problèmes de santé, et des troubles du comportement alimentaire. Je suis devenu sédentaire et me suis laissé prendre dans un cercle vicieux. Je réalise que je suis en burn-out. Avec le recul, je suis triste de cette situation. Ces boîtes connaissent les risques auxquels ils exposent leurs salariés et pourtant, à aucun moment on ne m’a proposé une aide sérieuse ou sincère.
Je ne recherche pas de travail et me focalise sur ma reconstruction physique et psychique. Je m’entoure de mon médecin, d’un diététicien, d’un coach sportif et d’un psychologue. Mes journées sont rythmées par de l’introspection, du sport, de la cuisine, et mes hobbies. Plus j’avance, plus je vois mes résultats, plus j’ai envie d’avancer. Le plus dur pour moi a finalement été de rallumer la petite étincelle qui pousse à la première réaction.
A la rentrée 2021, je me remets en recherche d’un travail. J’ai toujours soif d’apprendre mais je me rends compte après plusieurs entretiens qu’il me manque quelque chose. J’arrive à définir le sens que je veux trouver dans mon job, je veux sentir concrètement que j’aide et que je suis reconnu pour mes efforts. Je veux me sentir utile, en particulier sous l’angle social. L’ambition ne doit pas se réaliser à n’importe quel prix.
En janvier 2022, j’ai rejoint en tant que Responsable RH et financier une start-up de l’ESS, Linklusion. On accompagne des travailleurs en situation de handicap souhaitant devenir indépendants. On les met en relation avec des entreprises souhaitant faire appel à eux et développer des politiques d’achats responsables. On développe aussi des formations à la croisée du handicap et de l’entrepreneuriat.
J’ai rarement eu autant d’énergie à revendre et je suis passionné. Je défends haut et fort que liberté, écoute et bienveillance sont de formidables leviers de performance pour une boîte. Cela m’a donné envie de réaliser des rêves : apprendre le piano, m’investir dans une asso qui défend l’égalité des chances dans l’accès aux études sup, et apprendre le vietnamien, langue d’origine de mon côté paternel. »